Apprendre à apprécier le silence grâce à une expérience grand froid

Vous me connaissez, je suis une adepte des expériences sportives peu habituelles.

Je suis partie en avril vivre l’expérience du grand froid sur l’île norvégienne du Spitzberg.

L’objectif : un trek à ski d’une semaine en tente, afin de :

  • Vivre une expérience inoubliable
  • Travailler mon rapport et ma gestion du froid polaire

Aujourd’hui, je n’ai pas envie de vous résumer la globalité de l’expérience que j’ai vécu, mais plutôt me concentrer sur le moment le plus fort de mon aventure au Spitzberg : ma garde du camp, seule, de nuit, à guetter l’arrivée d’un ours, et avec toutes les autres responsabilités que cela comporte.

 

L’histoire de quelques heures…

Il est 3h55, c’est mon tour de prendre la garde, pour que mon acolyte Denis aille dormir. Je m’habille à la hâte, pour ne pas le faire attendre. S’habiller sous une tente ressemble à un exercice de contorsionniste. Collant, tee shirt mérinos, gant, bonnet… Bref, une tenue grand froid.

Il fait jour, comme les autres jours. Denis m’accueille avec une tasse d’eau chaude. On échange quelques mots avant qu’il n’aille se coucher.

« Tout est calme. Tu vas voir le renard est toujours là. Et les lumières dans le ciel sont magnifiques. Allez bonne nuit. Et bonne garde à toi. »

Je prends les jumelles, et le pistolet d’alarme.

Je monte sur la petite bute derrière notre bivouac pour avoir une vue plus large. Je scrute le paysage pour être sûr que rien ne se profile à l’horizon. Rien ne bouge : rien à signaler. Pas d’ours en vue. Et c’est une bonne nouvelle.

Je vais passer une heure à veiller sur notre camp, avec la responsabilité d’alerter si un ours arrivait.
Sacrée responsabilité, n’est-ce pas ? Je prends très au sérieux mon tour de garde, comme chacun de mes compères d’aventure. Il est 4h du matin, mes yeux sont grands ouverts, je ne ressens aucune fatigue.

Comme notre guide nous l’a dit, si un ours arrive, il faut utiliser l’arme de détresse et tirer en l’air. La projection se fera à 130 m environ, dans le but d’effrayer l’ours.

Il est arrivé que des groupes se fassent surprendre par l’arrivée d’un ours. Autant vous dire que je ne suis pas pressée que cela m’arrive ! Et je ne voudrais surtout pas que ce soit lié à un manque de vigilance de ma part.

Chaque soir, notre bivouac est donc choisi en conséquence. Nos choix s’orientent sur un endroit où nous avons de la visibilité, en hauteur et éloigné des entrées et sorties des vallées.
Comme l’ours se déplace à environ 7km/h et ressemble à une grosse masse qui cours de façon maladroite, nous ne devrions pas le confondre avec un renne !

Apprécier le silence du monde

 

Tout est calme.

Ce calme durant mon heure de garde, je l’apprécie pleinement. Aucun bruit. Ça me fait du bien de respirer, de l’apprécier pleinement. Ce silence est un luxe pour moi. Très égoïstement, pendant une heure, je suis la seule à en profiter. Il est aussi apaisant avec les jeux de la lumière rosi sur la neige. Une lumière de pénombre apaisante et douce. Elle me comble de sérénité et d’émerveillement.

 

 

Avec les jumelles, je profite, je regarde les rennes. Eux aussi sont calmes. Leurs gestes sont lents. Avec leurs pattes, ils grattent jusqu’à la terre pour espérer grignoter quelques particules de mousse. Autant vous dire que c’est une activité à plein temps pour espérer manger un peu.

J’entends le renard. Je le repère aux jumelles. Il court de droite à gauche, s’arrête, me regarde, repart, court dans la neige, fait le beau, revient, comme s’il jouait ou voulait attirer mon attention.

Le moment file presque trop vite, ça fait déjà 45 minutes que je suis dehors. Je suis tellement bien que je crois que je vais laisser ma sœur, prochaine à faire le guide, dormir. En plus, il ne fait pas froid. Je savoure l’instant, où tout est arrêté, figé et rassurant en même temps.

4h57, il n’y a tellement pas de bruit que la fermeture éclair de ma tente qui s’ouvre s’entend. Chrystel sort, prête à prendre son tour.

Je redescends boire une eau chaude avec elle, on échange quelques mots. Je reste quelques minutes avec elle, c’est tellement un moment jouissif que je ne me presse pas. Cependant, je vais me coucher pour ne pas lui voler ces quelques minutes de silence absolu.

 

Une nuit, qui marque à vie

Ces tours de garde ont rythmé mes nuits entre responsabilité et immense plaisir de savourer la beauté du monde.

Pourquoi je vous parle de tout ça ? Pourquoi cette heure de garde précise m’a marqué ?

Pour le silence.

 

Je n’avais jamais autant apprécié le silence. Lors de cette nuit, je me suis rendu compte à quel point ce silence était intense. J’ai aussi pris conscience alors que je vivais dans un bruit constant, et cela m’a encore plus effarée quand je suis rentrée en France.

Si cette expérience m’a appris quelque chose, c’est bien que j’ai besoin de ce silence, qu’il fait partie de mon équilibre.

Bizarrement ou non, je n’allume plus bêtement la télévision pour avoir un bruit de fond. Je ne cherche plus à combler le silence. Quand il est là, je le savoure.