Dépassement de soi : l’incertitude liée à la pression – une problématique tant personnelle que professionnelle

En octobre dernier, je suis partie pour une aventure marquante : le Grand Raid sur l’île de la Réunion, une épreuve de 100 km de montagne avec 6 000 m de dénivelé positif, où marcher, courir et finalement se dépasser deviennent une nécessité.

Pour la première fois, je me suis engagée dans un défi de grande envergure avec beaucoup d’incertitudes.
En entendre parler sans cesse a même perturbé ma préparation.

Ma préparation physique et mentale au Grand Raid : gérer l’incertitude et la pression pour le dépassement de soi

Une préparation physique indispensable

Habituellement, je prépare mes courses sur des cycles d’environ 8 semaines. Mais le Grand Raid, c’était une autre histoire : 8 mois de préparation où la pression n’a cessé de monter. Les entraînements se sont adaptés aux saisons : ski de randonnée l’hiver, randonnée de 12 jours dans les Pyrénées cet été, puis vélo et course dès août.

Pour que mon corps s’habitue à cet effort, mes « week-ends chocs » sont passés de 2 à 3 jours, atteignant jusqu’à 12 heures cumulées d’entraînement et 3 000 m de dénivelé positif.

C’était un réel dépassement de soi, une mise à l’épreuve où chaque étape comptait.

Ma préparation mentale, un facteur clé de succès du dépassement de soi

En rejoignant un groupe Facebook dédié aux coureurs du Grand Raid, j’ai rapidement ressenti une perturbation dans mon sommeil. Des questions se bousculaient dans ma tête, me rappelant constamment l’ampleur de l’événement et générant un stress inutile. Pour préserver ma sérénité, j’ai pris la décision de ne consulter le groupe qu’en matinée, afin de garder un esprit plus léger le reste de la journée.

Pour moi, la préparation mentale repose sur un point crucial : rester concentrée sur l’objectif. Chaque entraînement, chaque effort tout au long de l’année était orienté vers ce but unique.

À une semaine du départ, je ressentais un tourbillon d’émotions, mêlant excitation, fébrilité, et une pointe de doute quant à ma réussite. L’impatience montait, mais il me fallait maîtriser cette pression pour que les deux semaines précédant la course soient un moment de repos et de préparation optimale pour le jour J.

Habituellement, j’aime estimer mon temps de course, cela m’aide à préparer mon esprit et mon corps à l’effort. Mais cette fois-ci, impossible d’établir une prévision précise. J’ai tout de même établi une estimation large de 36 heures, en espérant boucler l’épreuve en 32 heures.

Retour d’expérience : un Grand Raid plus tard…

Le jour J, dès le départ, je me suis réfugiée dans ma bulle pour éviter toute pression extérieure. Chaque mot d’encouragement de mes proches, bien qu’inspirant, ajoutait une responsabilité silencieuse : avancer non seulement pour moi, mais aussi pour eux. C’était un véritable exercice de dépassement de soi, où chaque pas me rapprochait d’un objectif plus grand.

Sur la ligne de départ, sereine et concentrée, une seule pensée m’animait : « maintenant, il n’y a plus qu’à avancer. » Mon corps et mon esprit étaient prêts, mais une part d’incertitude restait.

La météo, imprévisible, représentait un risque majeur sur ce terrain accidenté. Pourtant, les premiers kilomètres se déroulaient bien, presque trop bien, jusqu’à ce que ma cheville vrille. Une fois, deux fois, puis une troisième.

Plutôt que de risquer l’abandon, j’ai choisi la prudence en ralentissant dans les descentes, ménageant ma cheville pour éviter une blessure fatale. Mon objectif était clair : tenir coûte que coûte, en repoussant sans cesse mes limites.

Je me suis alors rappelé l’histoire des athlètes aux Jeux Paralympiques 2024, des exemples de résilience qui m’ont inspirée à chaque pas. À chaque torsion de ma cheville, la douleur semblait s’effacer, surpassée par ma détermination à avancer.

Kilomètre après kilomètre, je progressais de ravitaillement en ravitaillement, en évitant de penser aux kilomètres restants. À ma grande surprise, aucune douleur ne m’a arrêtée. J’ai même pu courir à l’arrivée, entourée des encouragements de mes amis et d’inconnus. Un moment inoubliable, témoin de mon “dépassement de soi.”

En repensant à cette expérience, je distingue la pression de l’incertitude.
La pression naît d’un « devoir de réussite », souvent imposée par l’extérieur ou soi-même.
L’incertitude, elle, vient de l’imprévu qui redéfinit l’objectif. Ce Grand Raid s’est inscrit en moi ; j’ai fait corps avec mon objectif, et rien n’a pu l’arrêter. Quelques jours après l’expérience, j’étais encore surprise d’avoir couru aussi loin, avec seulement deux fois dix minutes de sommeil et une cheville fragilisée.

Cette expérience m’a aussi amenée à réfléchir au pourquoi j’y ai participé : une vraie envie ou un élan d’ego ? J’avais toujours refusé cette course, jusqu’à ce qu’un ami m’annonce son inscription. Le lendemain, presque instinctivement, je m’inscrivais moi aussi. Peut-être que l’ego m’a motivée, mais cette impulsion est devenue une réussite.

Sur le plan professionnel, cette leçon m’est précieuse : certains projets semblent s’accomplir sans effort, alors que d’autres exigent endurance et résilience. En regardant mon parcours, je réalise que les projets réussis sont rarement ceux qui m’ont causé le plus de douleur, mais ceux pour lesquels l’évidence de l’objectif m’a guidée au-delà des obstacles.

  

La pression rend incertain, la pression peut déconcerter

La pression que j’ai ressentie avant la course peut être comparée à celle que l’on retrouve dans le monde professionnel. Elle peut venir de l’extérieur, imposée par l’entreprise, un manager ou des collègues. Dans mes accompagnements et coachings, j’ai souvent observé que cette pression ébranle la confiance en soi. La personne se retrouve déboussolée, comme si sa boussole interne tournait dans tous les sens, entraînant une confusion sur ses compétences et sa valeur.

Mais la pression peut aussi venir de soi-même. Plus elle augmente, plus elle peut mener à l’échec ou au mal-être. Dans ces situations, le coaching devient un outil puissant pour aider la personne à réaliser qu’il est possible de relâcher cette pression sans conséquence négative, et ainsi de reprendre le contrôle.

Je pense notamment à une récente session de coaching avec une personne qui souhaitait s’affirmer dans son poste de chef de projet et obtenir des responsabilités plus importantes. Grâce au coaching, elle a pris conscience que, pour elle, la relation humaine était plus importante que la réussite du projet en soi. Elle a pu relâcher la pression qu’elle s’imposait autour de ce projet, en trouvant un équilibre qui lui permettait d’être en phase avec elle-même et de s’épanouir pleinement dans ses projets.